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Santiago de Chile
November 20, 2005

David Rosenmann-Taub:
« Contre l’improvisación »

Entretien réalisé par Patricio Tapia

La maison d’édition LOM publiera prochainement un cinquième livre, Poésiectomie (Poesiectomía, de David Rosenmann-Taub. Certains considèrent ce poète hermétique et profond comme un solide candidat pour le Prix national de littérature.

Apparemment, vous avez un projet ou une œuvre en cours qui ajoute de nouveaux volumes à ceux que vous avez déjà publiés et vous en préparez d’autres. Pourriez-vous indiquer brièvement comment cette œuvre est organisée ? Comment vos livres Los Surcos Inundados (Les Sillons Inondés) et La Enredadera del Júbilo (La Vigne de l’Allégresse), publiés au Chili avant que vous ne quittiez le pays, s’intégrent-ils à ce projet?

« J’ai toujours eu une œuvre en cours. Dès mon plus jeune âge j’ai su combien l’improvisation est erronée, parce que dans ce cas la réussite relève de faits de hasard.. Le hasard est le créateur, pas moi. L’art exige ma volonté.

C’est une toute autre chose quand une œuvre semble avoir été réalisée sans effort, c’est à dire avec l’effort de la nature. La nature a une conscience à sa façon : une pierre, un fruit, sont le produit d’une élaboration très intense. Pour qu’une œuvre soit naturelle, elle ne peut pas être improvisée. Je ne me dirige jamais vers le papier sur lequel j’écris sans avoir médité sur ce que je vais écrire. Sinon, je ne ferais preuve d’aucun respect pour l’acte même d’écrire, et si je le donnais à lire à quelqu’un d’autre, cela constituerait un manque de respect vis-à-vis du lecteur.

A l’heure actuelle, toutes mes œuvres sont terminées dans ma tête. Je n’ajoute pas de volumes à proprement parler Cortège et Epinicie se compose de quatre volumes, dont seulement deux ont été publiés. Les Sillons Inondés (Los Surcos Inundados) se compose de plusieurs volumes dans lesquels j’ai voulu utiliser des formes musicales établies. La Vigne de l’Allégresse (La Enredadera de Júbilo) est le premier chapitre du Secret (El Secreto). Il ya beaucoup de mes livres dont même le premier volume n’a pas été publié. Ma situation est similaire à celle d’un père qui a plusieurs enfants : se consacrer à un seul et laisser les autres affamés, est-ce possible? Je nourris tous mes livres ».

Vous avez quitté le Chili avec une bourse de l’Oriental Studies Foundation. Vicente Mengod, en commentant Les Sillons Inondés parle d’un mysticisme aux racines ésotériques apparemment. Dans Le Messager vous dites : « Comme résultat, des vers : / paraphrase de Dieu » (« Por resultado, versos : / paráfrasis de Dios ».)

Existe-t-il une conception religieuse ou mystique identifiable dans votre œuvre ?

« Le Chili est avec moi : je ne l’ai pas abandonné et je l’abandonnerai pas.

Mon œuvre n’a rien à voir avec l’ésotérisme. Pour moi, Dieu n’est pas un phénomène religieux, je ne l’associe même pas à la religion. Lorsque je me réfère aux arbres, je ne fais pas de la botanique. Lorsque je parle du corps humain, je ne prétends pas faire de l’anatomie ou de la biologie ».

« Il y a plusieurs années, en discutant avec Georg Nicolai, il m’a dit : ‘Vous faites la même chose que moi : vous vous consacrez à l’art, et moi, à la science : nous nous dédions à la même chose’.

Et le mysticisme honnête, c’est l’expérience : réponse à posteriori, et non pas à priori.
La citation du Messager se réfère à la capacité de créer ».

Le vocabulaire de vos livres est d’une grande richesse. C’est avec ou sans dictionnaire ?

« Comment un écrivain pourrait-il détester les dictionnaires? Les dictionnaires, en général, sont le résultat de la collaboration de plusieurs individus, d’où le risque : la préparation des individus est très irrégulière. Les dictionnaires nous mettent dans une situation de suspense constant. Ils demandent au lecteur d’être méfiant. L’information ne doit jamais venir d’une encyclopédie ou d’un dictionnaire seulement. A côté de brillantes explications surgissent des affirmations erronées et des contradictions.

Lorsque je suis dans le poème, l’étape des dictionnaires et de la recherche est déjà très loin. Si je suis attiré par une matière déterminée, tout ce qui est en relation avec ladite matière me semble utile. Et les dictionnaires sont moins que le commencement du travail.

Vous employez le terme « d’une grande richesse».Il ne s’agit ni de richesse, ni de pauvreté : j’ai ma langue. Il arrive un moment où les mots prennent leur place. Je ne dépends pas de la maison ou de la période dans laquelle il se trouve que je vis. La langue actuelle est un aspect de la langue. J’écris pour hier, pour aujourd’hui et pour demain. Sinon, je n’écrirais pas.

La poésie? Un éclair conceptuel, visuel et sonore; même le silence est fondamental. J’ai enregistré dans leur totalité País Más Allá (Pays au delà), El Cielo en la Fuente (Le Ciel dans la Fontaine) et La Mañana Eterna (Le Matin Éternel). Je ne les ai pas récités, je les ai dits. J’affirmerais la même chose comcernant la version de Richter de l’Appassionata : il ne l’interprète pas, il la dit. »

« Comme mes traits / sont farouches » (« Cuán esquivos, / mis trazos ».) Face à votre poésie un peu hermétique, y a t-il un travail que le lecteur doit faire?

« Si vous vous exprimez avec une précision responsable, vous devez répéter la phrase plusieurs fois pour qu’on vous comprenne. Lorsqu’on entre dans une pièce très éclairée, on a tendance à fermer les yeux : bien évidemment, à cause de l’excès de lumière.

Tout texte sérieux exige de l’attention : s’il y a eu un effort de la part de l’auteur, l’effort du lecteur est indispensable. L’auteur et le lecteur doivent communiquer par un talent mutuel : la perception de l’œuvre et l’œuvre en soi, en équilibre. Comment serait-il possible qu’un poème, écrit selon la volonté et selon le sens que lui donne le poète –pendant des mois, des années de réflexion – soit absorbé par le lecteur lors d’une lecture rapide ? Lire c’est une chose. Digérer ce qui a été lu, c’est autre chose.
Des écrivains considérés comme obscurs il n’y a pas si longtemps, tels que James Joyce et Virginia Wolf, sont lus aujourd’hui. Et des écrivains qui péchaient par leur clarté, comme May Sinclair ou A.J. Cronin, ne sont plus lus ».

Vous avez écrit un commentaire sur Le Ciel dans la fontaine, où l’on peut lire : « Je chevaucherai, glissement voilé, / vingt siècles et vingt matins » (« cabalgaré, cendal deslizamiento, / por veinte siglos y veinte mañanas ». Le livre est composé de vingt poèmes ou sections. Y a-t-il une relation avec les vingt siècles? Jusqu’à quel point une explication est-elle nécessaire?

« Les livres de Cervantès sont faciles en apparence. Néanmoins il y a eu de nombreuses explications à leur sujet. Tout dépend de la culture, de la curiosité et de la sensibilité du lecteur. Mon commentaire du Ciel dans la Fontaine a pour but d’éviter des ‘interprétations’.

Bien sûr, il y a une relation entre les vingt chapitres et les vingt siècles. Le livre a été écrit près de vingt siècles après l’assassinat du Christ. Même si ce sens-là n’est pas le seul niveau du sens du mot ‘vingt’. »

La réécriture est-elle une forme de correction? Si on compare l’édition publiée par Cruz del Sur de Cortège et Epinicie et celle publiée par LOM, il y a des différences majeures et mineures. Ces changements répondent à quels critères ?

« Je ne corrige pas. J’essaie d’être fidèle à ce que je veux dire. La situation est plus cruciale : le poème se plaint. ‘Je ne suis pas comme ça. Cela est de trop’. Chaque poème a sa propre loi, son univers particulier.

Dans la vie de tous les jours, nous nous perfectionnons rarement jusqu’au point d’être satisfaits. L’artiste, dans son œuvre, compense cette insatisfaction. Quel dommage que la conduite de l’homme ne soit pas aux mains d’un véritable artiste! »

Un vers de Sillons inondés (Los Surcos Inundados) : « Là où meurt la musique, encore une fois les mots » (« Donde muere la música, otra vez las palabras »). Que signifie pour vous la musique et comment est-elle liée à la poésie? Par ailleurs, je sais que vous avez enregistré de manière privée une partie ou l’ensemble de votre œuvre pianistique.

« L’altération des mots d’Heine vise à démontrer que la musique est un langage comme un autre. Lorsque la musique est de la musique, c’est de la poésie. Lorsque la poésie est de la poésie, c’est de la musique.

Enregistrer, pour moi, c’est comme publier : protéger l’exactitude aussi bien des textes poétiques que des textes pianistiques ».

Poésiectomie (Poesiectomía). Pourriez-vous expliquer ce titre aux résonances d’analyse chirurgical?

« Il s’agit de l’ablation – ectomie – de la conscience : extirper pour rechercher. Ouvrir pour éclairer, pour constater. Demander et demander jusqu’à obtenir des réponses qui susciteront plus de questions et encore plus de réponses et plus de questions, jusqu’à atteindre le néant, car tout est une manifestation du néant.
Je ne suis pas d’accord avec la conception de l’être et du néant, puisque l’être est une manifestation, parmi tant d’autres, du néant. Les concepts de début et de fin répondent uniquement à l’idée de l’être ».

Vos poèmes ont des partitions. Les incluez-vous dans ce livre ? Existe-t-il une certaine ‘liberté de l’interprète’, telle qu’elle est supposée exister en musique, dans votre poésie ?

« Je ne peux pas comprendre un poème sans partition, parce que la substance rythmique est essentielle pour le contexte : tout est rythme. La poésie est un phénomène rythmique-linguistique.

La publication du livre Poésiectomie n’inclut pas les partitions des poèmes.

Liberté de l’interprète en musique? Cela est dû à l’incapacité de comprendre le contexte. Si on le comprend, il ne s’agit pas de liberté, mais d’exactitude de l’interprétation. La joie d’un vrai ‘interprète’? Son opportun esclavage.

Pour éviter l’ ‘interprétation’ de ma musique pour piano, j’ai préféré l’enregistrer moi-même.»

Le sous-titre du livre est ‘Epidrames de validité privée’. Quelle est la part qu’occupe votre expérience personnelle dans vos poèmes? Je pense à la figure de vos parents dans Pays au-delà (País Más Allá), ou à la mort de votre fils, présente dans Cortège et Epinicie (Cortejo y Epinicio) et dans Les Sillons Inondés (Los Surcos Inundados).

« Validité privée » (« Vigencia Privada ») : j’ai pris ma personne comme point de référence. Dans d’autres volumes d’Epidrames (Epidramas), encore inédits le point de référence c’est moi chez les autres, pour m’obliger à donner un jugement; j’ai pris en compte le monde qui m’entoure et en même temps, ma vision du passé et ma conception du futur. Dans « Validité privée » je me juge ; dans les autres Epidrames : je juge le jugement des autres.

Pays au-delà, Cortège et Epinicie, Les Sillons Inondés sont la transcription de mon expérience et la façon de je ressens l’expérience des êtres que j’aime : ma vie.

Epigrammes : textes brefs et légers. J’ai créé le terme ‘épidrames’ : textes brefs mais non légers : des drames qui durent des secondes éternelles ».

Quien haya sentido el deslumbramiento de Cortejo y Epinicio, de David Rosenmann-Taub, de seguro no podrá - al pasar por Echaurren - evitar repetirse: "Echaurren, calle dormida, / Echaurren, calle sonámbula: / que no enturbie tus veredas / el barro de mis pisadas". O en la añoranza o entrega amorosa: "No es bastante tu cuerpo: deseo tu deseo". Quizá no volverá a mirar las plantas de achiras sin inquietud ("¡Salvaje, salvaje rumor!") u oír una canción de cuna sin un pálpito lúgubre (se canta a un niño, un hijo, muerto).

Cuando en 1949 apareció Cortejo y Epinicio, Rosenmann-Taub tuvo lectores entusiastas -entre ellos, Alone- y siguió teniéndolos con sus posteriores publicaciones. En Los Surcos Inundados (1951) yLa Enredadera del Júbilo(1952) ellos encontrarían la misma voz personal, a veces desesperada, la misma intensidad. Pero desde entonces, se abre un largo período de silencio, sólo interrumpido por la publicación de un pequeño cuaderno en 1962. Trabajando para mantener a su familia, escribe pero no publica, y se transforma en una suerte de enigma en torno al cual circulan diversas historias: que alguna vez, otros poetas intentaron atacarlo; que su labor poética, acumulada durante años, le fue robada; que es becado por una Fundación de Estudios Orientales; que él no existe (sería un pseudónimo o heterónimo de algún otro escritor). Algunas son ciertas, otras no. Por de pronto, existe, aunque por entonces comienza a alejarse, poco a poco, de Chile. Desde 1976 viaja bastante -publica algunos libros en Buenos Aires- por Europa, Sudamérica y Estados Unidos, donde, en 1985, se establece.

Su desaparición de Chile podría haber sido completa, pero el año 2002, Editorial LOM comienza a publicar su obra. Primero, Cortejo y Epinicio, luego El Mensajero, El Cielo en la Fuente / La Mañana Eterna, País Más Allá y, próximamente, Poesiectomía.

Los que hayan memorizado poemas de Cortejo y Epinicio, se encontrarán con que LOM ha publicado una nueva edición, y en cierta forma, es otro libro: "No es bastante tu cuerpo: deseo tu deseo" se ha transformado en "Mansión, Gracia, Verano: deseo tu deseo". También han cambiado los poemas sobre la calle Echaurren o sobre las achiras... Rosenmann-Taub introdujo algún poema, cambió unas palabras en unos pero bastantes más en otros. Varios de ellos se redujeron a la mitad. Una labor de concentración semejante se aprecia en sus otros libros y los versos pueden reducirse a una o dos palabras, como chispazos absortos. No es tan extraño encontrar poemas como este de País Más Allá:"Pestillo/ sinuoso. Tajo / temerario. Ligas / de astucia. / Jolgorio./ Césped. / Escotes / de hontanar. / ¿Carne?".

Si alguien pudo dudar en cierto momento de la existencia de Rosenmann-Taub, ahora no le faltarían razones. Vive apartado, lejos de todo y de casi todos, no viaja ni aparece en público. Incluso el método de entrevista es a través de una, digamos, "médium", a quien hay que enviarle las preguntas y quien envía las respuestas -oraculares y enfáticas- del poeta.

Al parecer, tiene usted un proyecto o una obra en marcha que agrega volúmenes a los ya publicados y prepara otros. ¿Podría indicar brevemente cómo se configura ese proyecto u obra? ¿Cómo se integrarían, de hacerlo, sus otros libros publicados en Chile antes de partir:Los Surcos Inundados y La Enredadera del Júbilo?

"Siempre he tenido obra en marcha. Desde muy pequeño, supe cuán errónea es la improvisación, porque la asumiría factible, en caso de acertar. La casualidad es el creador, no yo. Arte exige mi voluntad.

Otra cosa es que la obra parezca realizada sin esfuerzo, o sea, con el esfuerzo de la naturaleza. La naturaleza tiene conciencia a su manera: una piedra, una fruta, son el producto de una intensísima elaboración.

Para que una obra sea natural, no puede ser improvisada. Jamás voy al papel sin haber meditado lo que voy a escribir. De lo contrario, no tendría respeto por el acto mismo y, si se lo diera a leer a otro, constituiría una falta de respeto hacia ese lector.

A estas alturas, en mi cabeza las obras están terminadas. No agrego volúmenes. Cortejo y Epinicio consta de cuatro volúmenes, de los que han sido publicados sólo dos. Los Surcos Inundadosson varios volúmenes en los que he querido utilizar formas musicales establecidas. La Enredadera del Júbiloes el primer capítulo de El Secreto. Hay muchos otros libros de los que no he publicado aún ni siquiera el primer volumen.

Mi situación es similar a la de un padre que tiene numerosos hijos: ¿dedicarse a uno y dejar hambrientos a los demás? Doy de comer a todos mis libros".

Usted se marchó de Chile con una beca de la Oriental Studies Foundation. Vicente Mengod, al comentar Los Surcos Inundados, habló de un misticismo, al parecer de raíces esotéricas. En El Mensajero dice: "Por resultado, versos: / paráfrasis de Dios". ¿Existe alguna concepción religiosa o mística identificable en su obra?

"Chile está conmigo: no lo he abandonado, ni lo abandonaré.

Mi obra no tiene nada que ver con esoterismo. Para mí, Dios no es fenómeno religioso, ni siquiera lo asocio a la religión. Cuando me refiero a árboles, no hago botánica. Cuando aludo al cuerpo humano, no pretendo anatomía o biología".

Hace muchos años, conversando con Georg Nicolai, me dijo: 'Usted hace lo mismo que yo: usted está dedicado al arte, y yo, a la ciencia: estamos dedicados a lo mismo'.

Y el honesto misticismo es experiencia: respuesta a posteriori, no a priori.

La acotación de El Mensajero alude a la capacidad de crear".

El vocabulario de sus libros es riquísimo. ¿El suyo es con o sin diccionario?

"¿Cómo un escritor va a detestar los diccionarios? Los diccionarios, en general, son el resultado de la colaboración de numerosos individuos; de ahí, el riesgo: la preparación de los individuos es muy irregular. Los diccionarios atesoran suspenso constante. Demandan del lector la desconfianza. La información no puede nunca ser sólo de una enciclopedia o de un diccionario. Al lado de explicaciones brillantes surgen afirmaciones equivocadas y contradicciones.

Cuando estoy en el poema, la etapa de los diccionarios y de la investigación ya se encuentra muy lejana. Si me atrae una determinada materia, todo lo que tiene que ver con esa materia me parece útil. Y los diccionarios son menos que el principio.

Usted emplea el término "riquísimo". Ni riqueza, ni pobreza: tengo mi lenguaje. Llega un momento en que las palabras toman su lugar. No dependo de la casa o época en que me toca vivir. El lenguaje actual es un aspecto del lenguaje. Escribo para ayer, hoy y mañana. De lo contrario, no escribiría.

¿La poesía? Relámpago conceptual, visual y sonoro; incluso el silencio le es fundamental. He grabado País Más Allá, El Cielo en la Fuente y La Mañana Eterna, completos. No los he recitado, los he dicho. Le afirmaría lo mismo respecto de la versión de Richter de la Appassionata: él no la interpreta, la dice".

"Cuán esquivos, / mis trazos". Ante su poesía algo hermética, ¿hay una labor del lector?

"Si usted se expresa con responsable precisión, tendrá que repetir la frase muchas veces para que se la entiendan. Al entrar a un cuarto muy iluminado, tendemos a cerrar los ojos: obviamente, por el exceso de luz.

Cualquier texto serio requiere atención: si hubo esfuerzo en el autor, es indispensable esfuerzo en el lector. Autor y lector comunicados por mutuo talento: la percepción de la obra y la propia obra, en equilibrio. ¿Cómo va a ser posible que un poema, escrito de acuerdo a la voluntad y al sentido que le da el poeta - meses, años de reflexión - sea absorbido por el lector en una rápida lectura? Una cosa: leer. Otra: digerir lo leído.

Escritores considerados oscuros no hace mucho tiempo, como James Joyce, Virginia Woolf, hoy se leen. Y escritores que pecaban de claros, como May Sinclair o A.J. Cronin, han dejado de ser leídos".

Entiendo que usted ha escrito un comentario a El Cielo en la Fuente, donde se lee: "cabalgaré, cendal deslizamiento, / por veinte siglos y veinte mañanas". El libro se compone de veinte poemas o apartados. ¿Hay alguna relación con los veinte siglos? ¿Hasta qué punto es necesaria una interpretación?

"Los libros de Cervantes son, en apariencia, fáciles. Sin embargo, ha habido muchas explicaciones. Todo depende de la cultura, la curiosidad, la sensibilidad del lector.

Mi comentario del libro El Cielo en la Fuente es para evitar 'interpretaciones'.

Por supuesto, hay una relación entre los veinte capítulos y los veinte siglos. El libro fue escrito aproximadamente veinte siglos después del asesinato de Cristo. Aunque ése no es el único nivel de sentido de veinte".

La reescritura, ¿es una forma de corrección? Comparando la edición publicada por Cruz del Sur de Cortejo y Epinicio y la publicada por LOM, hay diferencias menores y mayores. ¿A qué criterios responden esos cambios?

"No corrijo. Trato de ser fiel a lo que quiero decir. La situación es más trascendente: el poema se queja: "No soy así; esto me sobra". Cada poema tiene su ley, su particular universo.

Rara vez, en la vida diaria, nos perfeccionamos en algún aspecto hasta quedar satisfechos. El artista, en su obra, compensa esta insatisfacción. ¡Qué lástima que la conducta del hombre no esté en manos de un artista de veras!"

Un verso de Los Surcos Inundados: "Donde muere la música, otra vez las palabras". ¿Qué significa para usted la música y cómo se vincula con la poesía? Por otra parte, entiendo que ha grabado privadamente parte o toda su obra pianística.

"La alteración de las palabras de Heine tiene por objeto manifestar que la música es un lenguaje como cualquier otro lenguaje. Cuando la música es música, es poesía. Cuando la poesía es poesía, es música.

Grabar para mí es como publicar: proteger la exactitud tanto de los textos poéticos como pianísticos".

Poesiectomía. ¿Podría explicar este título, con resonancias de análisis quirúrgico?

"Se trata de ablación -ectomía- de la conciencia: extirpar para investigar. Abrir para iluminar, para constatar. Preguntar y preguntar hasta obtener respuestas que provocarán más preguntas y más respuestas y más preguntas, hasta alcanzar la nada, pues todo es manifestación de nada.

No estoy de acuerdo con la concepción de ser y nada, ya que el ser es una manifestación, una de tantas, de la nada. Los conceptos de principio y de final responden sólo a la idea de ser".

Entiendo que sus poemas tienen partituras. ¿Las incluye este libro? ¿Existe cierta "libertad del intérprete", como supuestamente existe en la música, en su poesía?

"No puedo entender un poema que no tenga su partitura, porque la sustancia rítmica es esencial para el contexto: todo es ritmo. Poesía es un fenómeno rítmico-linguístico.

La publicación del libro Poesiectomía no incluye las partituras de los poemas.

¿Libertad del intérprete en la música? Esto se debe a la incapacidad de entender el contexto. Si se lo entiende, no se trata de libertad, sino de exactitud del intérprete. ¿La fiesta de un verdadero "intérprete"? Su oportuna esclavitud.

Para evitar la 'interpretación' de mi música para piano, he preferido grabarla yo".

El subtítulo del libro es "Epidramas de Vigencia Privada". ¿Cuánto hay de trasunto de su experiencia personal en sus poemas? Pienso en la figura de sus padres en País Más Allá, o en la muerte del hijo, presente en Cortejo y Epinicio y en Los Surcos Inundados...

"Vigencia Privada: he tomado mi persona como punto referencial. En los otros volúmenes deEpidramas, aún inéditos, el punto referencial es yo en los otros, para obligarme a dar un juicio; he tomado en consideración el mundo que me rodea y, a la vez, mi visión del pasado y mi concepción del futuro. En Vigencia Privada me juzgo; en los otros Epidramas: juzgo el juicio de los demás.

País Más Allá, Cortejo y Epinicio, Los Surcos Inundados son el trasunto de mi experiencia y mi experimentar la experiencia de los seres que amo: mi vivir.

Epigramas: textos breves, livianos. He creado el término epidramas: textos breves, pero no livianos: dramas que duran segundos eternos".

DATOS Y HOMENAJE

David Rosenmann-Taub nació en Santiago en 1927. Su primer libro fue Cortejo y Epinicio (1949). Desde entonces, Rosenmann-Taub ha publicado más de diez volúmenes de poesía. El año 2000 se establece la Fundación Corda para preservar su obra y desde el año 2002, LOM Ediciones comenzó a publicarla en Chile. Rosenmann-Taub reside en Estados Unidos, donde escribe, compone música y dibuja.

El lanzamiento de Poesiectomíaserá un homenaje a Rosenmann-Taub, en el que 14 jóvenes poetas chilenos abordarán en diferentes formatos textos del poeta. El lanzamiento-homenaje será el día 4 de diciembre en el Café Literario de Providencia, a las 19 horas. El libro será presentado por Naín Nómez y los poetas del homenaje serán: Andrés Anwandter, Gustavo Barrera, Ana María Briede, David Bustos, Felipe Cussen, Kurt Folch, Alejandra González, Martin Gubbins, Mendez & Méndez, David Preiss, Juan Cristóbal Romero, Rafael Rubio, Felipe Ruiz, Feisal Sukni.

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POEMAS DE POESIECTOMÍA
XVIII

¡Aquel día, aquel día!
¿Un día
llegaría
el día que anhelábamos,
tras incontables rondas de añoluces,
hasta nosotros?

Y, al fin,
al fin, aquí,
nuestro, recóndito,
su radiante cardumen,
tal como lo anhelábamos,
paladín,
¡por un día!

LXXI

Te alabo. Te repudio.
No discutes. No buscas.
No creces. Te derrumbas.
Honor a ti, montón en orden: muro.

XCII

Me prolongo en el lecho.
Las rapideces, lentas.
«El lápiz», ruego, a tientas.
Escribo: «Escribo.» Y fecho.